Grenoble
Grenoble
Là, sous mon cœur Grenoble
Grenoble était là, on traversait la ville au moment des vacances sans vraiment s’y arrêter.
C'était une ville froide, pas spécialement jolie, mal fichue au niveau de la circulation, pas encore l'envie d'y revenir.
Et puis, un jour, il y a peu de temps de cela, j'ai décidé d'y reprendre une librairie. Les raisons de ce choix sont multiples. La famille, les amis, une rencontre, celle de Yves Baruffaldi, mon goût pour les livres, mais il y a sans doute aussi Grenoble.
Quand je marche dans ses rues à présent, je retrouve leurs noms, déjà entendus il y a tant d'années.
L'accent ici est traînant et parfois légèrement chantant; j'y retrouve une trace d'enfance, une couleur que je connais.
Voici ce que disait Stendhal, l’enfant chéri de la ville, à propos du caractère dauphinois:
“ La nature dauphinoise a une ténacité, une profondeur, une finesse que l’on chercherait en vain dans la civilisation provençale ou dans la bourguignonne, ses voisines. Là où le Provençal s’exhale en injures atroces, le Dauphinois réfléchit et s’entretient avec son cœur ”.
Certes un peu caricatural, mais plaisant..
La ville est un petit monde à part entière avec ses commerces, ses administrations, ses professions libérales, ses entreprises, ses associations et ses écoles, ses musées, ses vieux habitants et nouveaux arrivants. Après les montagnards venus de l'Oisans, du Vercors ou du Trièves, d’autres populations sont arrivées et se sont enracinées à Grenoble. Place Sainte-Claire, avec les trams qui véhiculent leur flot de passagers, nous sommes un peu à la jonction de toutes ces populations qui se croisent et se mêlent pour former les Grenoblois.
En 2014 puis en 2020, la ville est devenue verte. Beaucoup d'idées et de réalisations sont intéressantes, d'autres plus controversées, mais la ville et ses habitants ont voulu ce changement. Espérons que les librairies trouveront pleinement leur place dans la politique culturelle de la ville, et que la place Sainte-Claire sera agréable à fréquenter après les travaux.
En parcourant la ville
Ce mois d’avril 2021 où j’ai repris la Dérive, la ville avait une atmosphère très particulière. Tout était calme, d’une façon inhabituelle, iréelle.., de nombreux commerces étaient fermés et les passants se pressaient sans s’arrêter. A 18h, des vélos circulaient silencieusement, actifs de retour du travail, livreurs africains avec leur sacoche bleu ciel qui semblaient les seuls vivants de la ville...quelques voitures, sans klaxon, puis chacun se renfermait chez lui et les rues vides paraissaient trop grandes; curieuse impression que cette période de couvre-feu. Il se pourrait que les choses ne soient plus jamais comme avant..que les modes de vie, les habitudes sociales soient modifiées..et avec un peu d’inquiétude, et de confiance aussi, car c’est maintenant que je commence, je me demande ce qu’il en sera des librairies dont on a tant loué le caractère essentiel…
Depuis les terrasses ont rouvert, les commerces, les bars, les restaurants, la ville est pleine d’une jeunesse qui brûle de rattraper le temps perdu! Les projets, les rencontres, les initiatives de toutes sortes redémarrent, tant de personnes, d’associations sont pleines d’énergie pour que des échanges culturels ou autres reprennent! La petite librairie de la place Sainte-Claire, la nouvelle Dérive, essaiera d’y tenir sa place.
Et puis ici, dès qu’on lève les yeux, on découvre l'écrin où repose la ville, un écrin de massifs alpins du quaternaire, érigés tout autour, avec leurs formes majestueuses et gigantesques. Les saisons défilent au gré des couleurs de ces montagnes, blanches, grises, vertes, illuminées par le soleil ou gouffres d'ombres, qui paraissent proches ou plus lointaines selon le taux d'humidité de l'air. La ville en tire sa beauté, sa fierté, sa profonde originalité.